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Colloque international

« Le Mai 68 des sportifs et des éducateurs physiques »

CREPS de Toulouse - 29 Mai au 1er juin 2018

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Appel à communication

       Au printemps 2018, les événements de « Mai 68 » vont franchir le cap du demi-siècle de distance. Pour autant, les braises de cette période incandescente ne semblent toujours pas éteintes. Dénié ou célébré, l’héritage de mai 68 continue de hanter la scène politique et sociale de la France par son omniprésence (Zancarini–Fournel, 2008). Porteur des espoirs et des utopies d’une génération ou rendu responsable de l’ensemble des maux de la France d’aujourd’hui, ce mouvement de mobilisation sociale d’une ampleur inédite, reste inégalement gravé dans la mémoire collective des Français[1]. Désormais constitué en véritable enjeu mémoriel, l’héritage de 68 se voit régulièrement réactivé dans la sphère politico-médiatique pour son caractère particulièrement clivant[2].

L’abondance des productions et la multiplicité des interprétations, loin de garantir une meilleure compréhension de cet « événement monstre » (Nora, P., 1974), semble bien contribuer au contraire à la persistance du « mystère de mai » (Foucault, 1988). Aux lectures immédiates de cette crise majeure de la France du XXe siècle, souvent marquées par les engagements politiques et idéologiques[3], se sont substituées, dans un premier temps, les analyses privilégiant les dimensions culturelles. Caractérisé par l’émergence sur la scène publique de sensibilités et de comportements en gestation dès les années 1950, Mai 68 apparaît dès lors « davantage comme un révélateur que comme une révolution » (Sirinelli, 2007).

Dans la période plus récente, différents travaux de sciences politiques ont cherché à réhabiliter la dimension proprement politique de « l’ébranlement symbolique » du printemps 68.  L’effet de catalyseur de ces journées sur les représentations collectives et sur les modes de vie de la « génération 68 »[4] se trouve parfois interprété comme « une sorte d’épochè pratique » selon la thèse de Pierre Bourdieu du début des années 1980 (Bourdieu, 1984). Une synchronisation des crises issues de divers secteurs contribue à l’avènement d’un « moment critique » favorisant la « découverte démultipliée » de l’arbitraire de l’ordre social dominant (Gobille, 2008). Dans cette période de massification de la scolarisation secondaire et d’élargissement du recrutement universitaire, cette crise majeure s’inscrit dans les débats accompagnant la décolonisation. Elle marque ainsi la transition entre deux phases idéologiques et économiques successives : la fin de la « croissance heureuse » et d’une vie politique enkystée entre deux orthodoxies stérilisantes, le gaullisme et le communisme (Nora, 1988) et le « retour enchanté » au libéralisme (Capdevielle & Mouriaux, 1988, Boltanski & Chiapello, 1999).

Une autre manière de contourner le processus de « refoulement collectif » de la dimension politique des années 1968 consiste à restituer la subjectivité des acteurs dans l’unité et la diversité de leur perception des événements selon les individus et leur groupe d’appartenance (Neveu, E., Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La découverte, 1999). Elle incite à investir les « postérités insoupçonnées de mai 68 » et les façons dont la contestation a souvent été prolongée par les acteurs du mouvement, dans leur vie quotidienne et dans leurs activités professionnelles, à travers des « subversions pratiques » (Pagis, 2014) et l’émergence d’un « éthos alternatif » (Lebaron, 2008)

Si Mai 68 se révèle comme un objet difficile à cerner dans sa complexité et sa globalité, son appréhension sous l’angle des pratiques physiques permet d’en circonscrire les frontières et d’en limiter les terrains d’investigation. Les travaux pionniers portant sur cette période ont été rédigés pendant la décade suivant 68 et portent l’empreinte des luttes politiques de cette époque et d’un certain militantisme. Certains émanent du point de vue critique d’inspiration freudo-marxiste comme le numéro spécial de la revue « Partisans », intitulé « Sport, culture et répression », dont la première édition date du lendemain des événements[5]. D’autres se sont très vite intéressés à des pratiques inventées ou remaniées durant cette période (activités de pleine nature, gymnastiques douces, expressions corporelles,…) en se référant au cadre de la sociologie critique inspirée de Michel Foucault ou de Pierre Bourdieu. Ils ont principalement porté sur la démarcation à l’égard du modèle sportif compétitif fédéral et de ses institutions, en montrant comment des formes de pratique pouvaient « s’inventer » en dehors du contrôle des instances officielles, sur un mode critique, en procédant à un recodage symbolique de leur finalité et de leur valeur pour se revendiquer comme des activités « libres » (Defrance, Loirand). L’inscription de ces « innovations » dans des filiations étrangères, principalement nord-américaines, ont parfois conduit au regroupement de ces pratiques au sein de catégories génériques comme celle de « sports californiens » (Pociello, 1981). Différentes recherches sont venues par la suite nuancer ces oppositions duales entre un « ordre sportif établi » et l’émergence de « pratiques nouvelles », nécessairement « alternatives ». Elles ont montré à partir d’enquêtes empiriques sur la sociogenèse de chacune de ces disciplines, que les conflits et les oppositions se construisaient selon des tableaux plus complexes et changeants (Defrance, Loirand, Hoibian, Guibert, Sébileau, Jallat, etc.) [6].

Si l’on envisage deux pôles dans l’espace social des sports, le pôle compétitif fédéral d’une part et le pôle socio-éducatif et des loisirs, il semble que ce soit principalement dans le second, le moins autonome par rapport à la vie sociale et à ses hiérarchies que se développent les contestations de l’autorité dès les début des années 1960. Des sociologues de la jeunesse notent une remise en cause du rituel de l’uniforme et de la hiérarchie conduisant à un déclin du scoutisme (Galland, 2011). Des formes de conflit et de désaffiliations se manifestent dans la sphère des mouvements chrétiens de jeunesse (JEC, JOC, …) tandis que des tensions traversent les organisations des jeunesses communistes dès les années 1965-1966 (Augustin, 1993). Des critiques antisportives commencent à émerger durant cette période, comme dans les premiers numéros de la revue « Partisans », principalement portées par le milieu de l’éducation physique au milieu des années 1960.

Notons que si des crises existent bien dans certains sports fédéraux ou pratiques de loisir physique, elles ne viennent pas nécessairement se « synchroniser » avec les crises de l’université de Mai 68. Alors que les mouvements de jeunesse sont « frappés de plein fouet » par les tensions dans la nouvelle génération, que se passe-t-il vraiment dans les fédérations sportives, les pratiques de loisirs et l’éducation physique scolaire avant le printemps 68, pendant les évènements et dans les années qui suivent ?

 

Propositions de communication :

L’ambition du colloque consiste à se saisir de l’opportunité offerte par le recul du temps et le renouvellement des générations de chercheurs pour porter un regard neuf et distancié sur la crise du printemps 68 dans l’univers des sports, des loisirs et de l’éducation physiques.  Il entend solliciter des interventions visant à préciser dans quelle mesure Mai 68 manifeste une rupture ou une continuité dans le monde « sportif ». Elles pourront porter d’une part sur la genèse de cette crise en s’interrogeant sur la présence des « signes annonciateurs » dans l’univers des pratiques sportives, socio-éducatives et de loisir. Elles pourront s’intéresser également aux effets immédiats des mouvements de contestation du printemps 68 sur les institutions (Fédérations sportives, Ministère J&S, ENSEP, IREPS, CREPS, secteur scolaire,…) mais aussi sur les sportifs (sportifs professionnels, femmes sportives, étudiants et pratiquants des clubs locaux,…) et les pratiques elles-mêmes du point de vue des innovations pédagogiques, des stratégies de subversion, du renouvellement des pratiques,…. Enfin, elles pourront prendre en compte la postérité de Mai 68 en discutant de l’émergence éventuelle d’une  « contre-culture » corporelle, de la formalisation de pratiques nouvelles (course libre , escalade libre, vol libre, expression corporelle, gymnastiques douces,…) ainsi que des transferts culturels tant du point de vue de la circulation des cadres de références philosophiques et politiques que des sensibilités et des pratiques corporelles aux différentes échelles d’appréhension. Elles s’appuieront sur des données empiriques issues de différents terrains autour des sept thématiques suivantes, toutes situées autour de 1968 :

  1. Les pratiques physiques, leurs transformations, leurs renouvellements dans le cadre fédéral et l’émergence d’activités nouvelles souvent à sa périphérie.
  2. Les innovations et les débats dans les milieux pédagogiques, scolaires ou socio-éducatifs.
  3. Les questions du genre dans les pratiques physiques entre revendication égalitaire et différenciation sexuée.
  4.  Les formes de mobilisations dans l’univers des sportifs professionnels et des éducateurs.
  5. L’affirmation d’une « contre-culture corporelle » et les manifestations d’un « éthos alternatif ».
  6. Les débats critiques et les contestations politiques de l’ordre sportif.
  7. Les acteurs et leur trajectoire.

Les chercheurs peuvent soumettre et présenter leurs travaux en anglais ou en français. Les propositions de communication devront être transmises au plus tard le 1er décembre 2017.

 

Bibliographie :

Aron, R., La révolution introuvable, Paris, Fayard, 1968

Augustin, J.-P., « Crise des mouvements de jeunesse et autonomisation du mouvement sportif sous la VIe République » in Clément, J.P., Herr, M., (dir.), L’identité de l’EP scolaire au XXe siècle, AFRAPS, 1993.

Berthaud, G., Brohm, J.M., Gantheret, F., Laguillaumie, P., Sport, culture et répression, Paris, Maspéro, 1968.

Boltanski, L., Chiapello, E., Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

Bourdieu, P., Homo Academicus, Paris, Ed. de Minuit, 1984.

Capdevielle, J., Mouriaux, R., Mai 68, L’entre deux de la modernité, Paris, PFNSP, 1988.

Defrance, J., « Un schisme sportif. Clivages structurels, scissions et oppositions dans les sports athlétiques », 1960-1980, ARSS, n°79, 1989.

Dietschy, P., Gastaut, Y.,  Mourlane, S., Histoire politique des Coupes du Monde de football, Paris : Vuibert, 2006.

Di Ruzza, F., Gerbier, B., Ski en crise, Le cirque blanc : du profit à la compétition, Grenoble, PUG, 1977.

Foucault, M., « Le mystère de Mai », in Le Débat, n°50, et n°51, 1988.

Galland, O., Sociologie de la jeunesse, Armand Colin, 2011.

Gobille, B., Mai 68, Paris, La découverte, 2008

Gounot, André. Jallat, Denis. Koebel, Michel (eds.). Les usages politiques du football. Paris, L’Harmattan, 2011.

Guibert, C., « Surf et « contre-culture » : La dimension symbolique des constructions journalistiques de la presse spécialisée », Revue Sciences sociales et sport, n°4, Juillet 2011.

Hoibian, O., Au delà de la verticale, l’alpinisme : sport d’élite ou sport pour tous ?... Thèse de doctorat en STAPS, Université Paris XI - Orsay, 1997.

Jallat, D., « La construction d’une identité de la planche à voile dans les années 1970 : représentations, jeux et enjeux.», Revue Sciences sociales et sport, n°4, Juillet 2011.

Lebaron, F., « Ethos capitaliste, éthos de classe. Quelques remarques autour des notions d’éthos, habitus et sens moral » in Gautier, C., Laugier, S., (Dir.), Les voies du sens commun, Paris, PUF, 2008.

Le Noé, Olivier. Socio-histoire des politiques sportives (1940-1975). Genèse d’un groupe de spécialistes de l’administration d’Etat des activités sportives et structuration du service public du sport, Université de Paris I : Thèse de Sciences politiques, 2000.

Loirand, G., « De la chute au vol. Genèse et transformations du parachutisme sportif », ARSS, n°79, 1989.

Martin, J.L., La politique de l’éducation physique sous la V° République. 1. L’élan gaullien (1958-1969), Paris, Vuibert, 2004.

Meynaud, J., Sport et politique, Paris, Payot, 1966.

Milza P., Jequier F., Tétard P. (dir.), Le pouvoir des anneaux. Les jeux olympiques à la lumière de la politique, 1896-2004, Paris, Vuibert, 2004.

Nora, P.,« Le retour de l’événement », in Le Goff, J.P., Nora, P. (dir), Faire de l’histoire, Nouveaux problèmes, Paris, Gallimard, 1974.

Pagis, J., Un pavé dans leur histoire, Paris, PSP, 2014.

Pociello, C., Sport et société, Paris, Vuigot, 1981.

Sébileau, A., « Temps de l’olympisme, temps des constructeurs et temps des médias : la relativité des points de vue sur le changement des espaces de navigation. Le cas des promoteurs de planche à voile et du discours fun », Revue Sciences sociales et sport, n°4, Juillet 2011.

Sirinelli, J.F., Les 20 décisives, Le passé proche de notre avenir, Paris, Fayard, 2007.

Touraine, A., Le mouvement de Mai ou le communisme utopique, Paris, Seuil, 1968.

Wahl, A., « Le Mai 68 des footballeurs français », Vingtième siècle, avril-juin, 1990.

Waser, A.M., Sociologie du tennis. Genèse d’une crise (1960-1990), Paris, L’Harmattan, 1995.

Zancarini–Fournel, M., Le moment Mai 68, une histoire contestée, Paris, Seuil, 2008.

 

Responsable du colloque : Olivier Hoibian – MCF-HDR – Laboratoire CRESCO

Valorisation scientifique (en cours) :

Les meilleures communications donneront lieu à l’édition des actes du colloque et à la publication de numéros thématiques dans des revues scientifiques.

 

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[1] Plus grande grève de la France du XXe siècle avec 7 millions de grévistes à travers le pays (Prost, 1988),

[2] Voir les différentes réactions aux propos de Nicolas Sarkozy  lors de la campagne de 2002.

[3] Aron, R., La révolution introuvable, Paris, Fayard, 1968 : Touraine, A., Le mouvement de Mai ou le communisme utopique, Paris, Seuil, 1968.

[4] L’unité de cette génération tient au partage de références culturelles issues de la diffusion d’une culture de masse sur le plan musical, vestimentaire, associé à l’expérience désormais commune de la parenthèse sociale de l’adolescence liée à l’allongement de la scolarité obligatoire. Elle ne doit pas masquer pour autant sa diversité tant du point de vue social que de son degré de politisation.

[5] Berthaud, G., Brohm, J.M., Gantheret, F., Laguillaumie, P., Sport, culture et répression, Paris, Maspéro, 1968.

[6] Voir Defrance, J., « Sociologiser les transformations des pratiques sportives des années 1970 », in Cahier thématique, « Se représenter le sport des années 1970 », in Revue Sciences sociales et sport, n°4, juillet 2011 ; 9-10.

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